4 août 2007
La rue compte ses morts
Il s’appelait Denis ! Il avait 42 ans ! Il était SDF !
Nombreux sont les dacquois à avoir croisé Denis (Titi), né à Dax il y a 42 ans, le 27 decembre 1965. Il flânait souvent l’après-midi dans le parc de la mairie sous les fenêtres du maire UMP Jacques Forté.
Denis Vankin affectionnait particulièrement ce parc. N’ayant pas de chien il n’y était pas importuné par la police municipale, contrairement à nombre de ses camarades d’infortune. Denis adorait se promener en forêt, il aimait la musique, la lecture, la nature. La nuit tombée, Denis se couchait sur les marches d’une résidence de l’ilot central au cœur de la cité dacquoise. C’est devant ces marches, tous les mercredi soir, que « le tour de rue » organisé par les bénévoles de l’Association « A l’Exception Culturelle » lui apportait repas et boissons.
A 42 ans, Denis n’arrivait pas à se sortir de l’alcoolisme.
Et ce n’est pas faute de volonté témoigne l’infirmière bénévole de l’association : « Il a fait plusieurs cure. Le problème c’est le suivi. S’il n’y a pas de logement, c’est à nouveau la rue ». Et malheureusement très souvent de nouveau la spirale infernale de l’alcool. Denis a travaillé. Il était mécanicien monteur puis magasinier. C’est en 2000 que débuta son terrible parcours de « damné de la terre ». Suite à une opération du canal carpien, Denis devenu invalide, n’a pas pu être « recyclé ». Le calvaire débute et la descente en enfer ne s’arrêtera plus ; chômage, dettes, loyers impayés, et finalement la rue pour dernier refuge ou il meurt, seul, dans l’indifférence générale après sept années de souffrance.
Contraste saisissant d’une mairie qui accueillait le 31 juillet en grande pompe le chef de l’État Nicolas Sarkozy, qui inaugure quelques jours plus tard avec faste une passerelle à 12 millions d’euros, mais qui reste de marbre face à la mort d’un de ses enfants. « Dax ville propre ! » C’est au cours de l’opération de grand nettoyage mené tambour battant par les employés municipaux, la veille de la visite du Président de la République, qu’un agent d’entretien à découvert le corps sans vie. Denis est mort dans les toilettes des Halles municipales à quelques mètres du parc qu’il aimait tant. Les Halles, le seul lieu de la cité thermale ou les sans abri peuvent faire leur toilette... en catimini.
Hier, 3 Août, pour l’inauguration de la passerelle qui relie les berges du fleuve Adour, le maire UMP de Dax, Jacques Forté, avait invité tous les habitants. Denis était absent ! Ses parents, ses frères et sa sœur, ainsi que des bénévoles solidaires des sans abris l’ont accompagné au cimetière en fin de matinée. Pourtant à l’heure des festivités sur les bords de l’Adour, Denis était présent dans les esprits et les conversations animées des citoyens militants qui se sont réunis au centre ville, place de la Fontaine d’Eau Chaude. Devant ce symbole du thermalisme, se côtoyaient des membres de la Ligue des Droits de l’Homme, des militants du Droit au Logement (DAL), du Collectif de la Fraternité, des représentants syndicaux dont la CGT, le secrétaire départemental du PCF Alain Bachet et des compagnons SDF… Prise de parole, diffusion de tract, et un leitmotiv sur toutes les lèvres :
Comment un homme peut mourir abandonné de tous dans une ville si riche ???
Soirée de gala oblige, les élus du peuple étaient absents, tout comme les journalistes !
Très rapidement les fonctionnaires de la police nationale ont pris part au rassemblement citoyen. La routine. Intimidation de rigueur, menace de sanction de la part d’un inspecteur, puis contrôle d’identité de tous les militants, sous le regard bienveillant du commissaire principal de Dax. Il ne faudrait surtout pas perturber la fête qui se déroule non loin.
Dax, synonyme de bien-être... Quel drame ! Alors les militants quittent la place et se regroupent, pour un ultime « adishatz » à Denis, sur le parvis de la cathédrale.