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Un toit c'est un droit
La mort des SDF, une fatalité ?
Emmanuel Klein, DAL Dax

France Bleu Gascogne.

2009.
Interview : avec Emmanuel Klein, porte parole de l’association Droit Au Logement à Dax.

30 mars 2009

La mort des SDF, une fatalité ?

Pour les sans-abris, la mort n’a pas de saison !

Aujourd’hui, des personnes meurent dans la rue et la société n’a pas de solutions pour les éviter autant l’hiver que l’été. Pour les SDF, la mort n’a pas de saison. Christine Boutin qui dirige le ministère du logement et de la ville proposait de les forcer à venir se reposer dans les établissements dédiés dits C.H.R.S. (Centre d’hébergement et de réinsertion sociale) pour ne pas les voir mourir dans la rue. Évidemment, cette brave catholique oublie de poser la bonne question :

Pourquoi ces personnes ne vont pas dans les CHRS ou haltes de nuit ?

Le coût moyen annuel d’une place en CHRS est de 15500 euros à peu près, c’est cher et peu efficace. Les CHRS ont été créés bien souvent par des associations proches des religieux (catholiques et protestants) pour les clochards. Aujourd’hui, les principes qui conduisent ces établissements ont peu évolué. Par contre, les profils des SDF ont bien changé : des jeunes, des couples, des travailleurs pauvres...

Les enveloppes des CHRS au niveau départemental sont gérées par les DDASS, et là que se passe-t-il ?

Les services des DDASS n’ont pas de pouvoirs et ne connaissent pas la réalité du terrain. De plus, comment peuvent-elles piloter ce dispositif quand elles ne savent pas ce que font les opérateurs ? Les agents des DDASS sont surtout formés à la gestion administrative des hôpitaux, des maisons de retraite et des centres pour les personnes handicapées et très peu au secteur de l’urgence sociale. Ainsi, nous nous trouvons devant un véritable obstacle : l’autorité compétente pour faire évoluer les services proposés par les CHRS n’a pas les compétences techniques requises. Le système s’ankylose.

Aujourd’hui, quelle est la réalité dans ces CHRS ?

C’est une offre de services largement inadéquate par rapport à la réalité des besoins. Concrètement, c’est l’interdiction d’être vivant. C’est obéir à des règles stupides et d’un autre temps. Des règles infantilisantes. Dans la plupart des centres, il est interdit d’avoir une vie sentimentale. Les couples ne peuvent accéder à une chambre. Évidemment, ces personnes ont une vie sexuelle, qui de fait, n’existe qu’à l’extérieur. L’institution empêche les individus de réapprendre le maintien ou la construction d’une vie sentimentale. Bien souvent, les éducateurs ont peur des couples car ils présupposent qu’ils sont un obstacle pour travailler sur l’individu, sur ses problématiques propres. Le couple masquerait les difficultés personnelles.

Autre exemple bien triste, il est interdit aux usagers de se présenter saoul ou bien shooté.

Toi lecteur, il ne t’arrive jamais de rentrer chez toi dans un état second ? Et comment ferais-tu pour supporter la rue sans alcool ni drogues ? Tu me répondrais que c’est impossible. Bingo !!! c’est la bonne réponse : il est quasiment impossible de supporter la rue sans produits. Déjà que pour certains, il est difficile de supporter la vie sans dopage, alors la rue...

Nous sommes en présence de la vraie problématique.

Comment réinsérer des personnes sans prendre en compte leur réalité de manière globale, en écartant la question de la dépendance aux produits, voire la nécessité de les consommer pour ses personnes, puisque cela correspond dans nombre de cas à une auto-médication ? A contrario, l’institution demande que ces personnes se sèvrent elles-mêmes des produits. L’institution reste dans une logique de rédemption qui trouve sans doute son origine dans leur création par des religieux. Et nous sommes bien dans le nœud du problème. Tous les professionnels de la santé peuvent le confirmer, il est très difficile de s’extraire seul d’une dépendance. Au-delà des douleurs somatiques que cela engendre, il est nécessaire de traiter dans la même temporalité la souffrance psychique, cause réelle bien souvent de la dépendance.

Pour assurer leur survie, les personnes de la rue sont obligées de mentir, de se présenter à l’admission dans l’institution en fin de journée à jeun, ou proche de cet état. Ils rentrent dans l’institution dans un état différent de leur état normal. Grâce à une force surhumaine qui nous habite tous mais que l’on perd parfois de vue, l’usager du CHRS donne le change, feint de contrôler la situation. Malheureusement, très rapidement, cela craque et l’usager est expulsé de l’institution. Sa colère (légitime) contre notre société continue à s’accroître.

Nous pourrions éviter probablement ces échecs, tout d’abord en reconnaissant qu’il appartient à la collectivité de faire le premier pas : accueillir l’individu dans sa globalité, avec toutes ses dépendances. Mais nous nous trouvons devant un autre frein : le toxicomane est malade mais il est également délinquant : les produit utilisés par ces personnes sont interdits par la loi et cela complique encore plus leur prise en charge sanitaire...

Certains CHRS ont déjà entamé cette révolution mais sans le soutien de leur autorité de tutelle.

Qu’est-ce que cela signifie ? Ils ne refusent plus une personne pour son état d’ébriété mais l’accueillent en lui demandant de ne pas déranger la tranquillité des autres usagers, lui expliquent que c’est la promiscuité et la fonction du lieu qui interdisent le "plantage de bordel". De plus, ils ne concentrent plus le temps de travail de l’éducateur sur la journée entière de 8h00 à 19h00 mais sur la soirée et la nuit. Cette période est la plus difficile pour les usagers, mais c’est aussi le moment où les corps commencent à s’apaiser. Dans ces périodes, l’usager peut faire le point sur sa vie, sur ses désirs. Il ne peut profiter de l’agitation de la journée pour se fuir et c’est à ces moments que l’éducateur est présent, pour l’aider à surmonter ce temps difficile, discuter avec lui de ses dépendances, lui donner envie de diminuer ses consommations.

En termes généraux, recréer le lien social est la fonction des éducateurs.

Pour ce faire, le travail social doit partir des désirs exprimés par l’usager du CHRS. Accepter que cet autre puisse avoir des souhaits incompréhensibles pour une personne intégrée. Il appartient à l’éducateur de s’extraire de la norme sociale et de travailler sur les désirs exprimés par l’usager que l’on soit d’accord ou non avec ceux-ci.

Les enfants de Don Quichote ont réussi avec leurs coups médiatiques à réveiller tous les professionnels de ce domaine, à faire que le ministère trouve des moyens pour l’humanisation de ces institutions, afin de rendre les lieux d’accueil accueillants. Malheureusement, l’énorme travail effectué par les Don Quichote n’est pas relayé par la presse tout au long de l’année. La souffrance des SDF continue quand de la canicule, quand du gel, quand de la pluie. Nous ne devons plus accepter qu’une personne se retrouve dans la rue, sauf par choix, tout en se gardant de croire que la majorité des SDF sont des volontaires de cette galère : les Diogène ne sont vraiment pas légion !

Enfin, au-delà de la question de l’accueil, une autre interrogation est présente concernant les populations les plus marginalisées dans une société du travail comme la nôtre : que peut-on faire quand on n’a pas et qu’on n’aura probablement jamais de boulot ?

— Frédéric, (CNT-AIT Bordeaux)

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300 000 personnes sans domicile.

100 000 dans habitations de fortune.